Au cœur des étendues tibétaines, Drolkar et son mari élèvent des brebis, tout en veillant sur leurs trois fils. En réaction à la politique de l’enfant unique imposée par Pékin, elle s’initie en secret à la contraception, pratique taboue dans cette communauté traditionnelle. La maigre réserve de préservatifs qu’elle se procure au compte-gouttes devient alors son bien le plus précieux. Le jour où elle surprend ses enfants en train de jouer dehors avec les « ballons » volés sous son oreiller, Drolkar sait aussitôt qu’elle va devoir tout affronter : les reproches des aînés, le poids de la tradition, le regard des hommes. Et une naissance à venir…
Le film tibétain - Balloon - (nouveau film de Pema TSEDEN, réalisateur de Tharlo, le berger tibétain et Jinpa, un conte tibétain) est une belle réussite, joliment interprétée, tout autant attendrissante, pleine d’humour que poignante. Une invitation au voyage dans un autre monde qui est pourtant le nôtre.
24 Mai 2021
Créer l'espoir - une conversation avec Pico Iyer 19 mai 2021
Thekchèn Tcheuling, Dharamsala, Inde – Ce matin, après que Sa Sainteté le Dalaï-Lama a souri, salué et pris place devant les caméras, Celesta Billeci, directrice générale des Arts et conférences de l'Université de Santa Barbara en Californie fit l’introduction de l'événement : « Nous vivons un moment qui appelle à l'optimisme, à la résilience, au courage et à la vision, dit-elle. Qui de mieux placé que le Dalaï-Lama pour éveiller en nous ces qualités ? » Henry Yang, chancelier de l'Université souhaita à tous la bienvenue et, s'adressant à Sa Sainteté déclara : « C'est un honneur immense que celui de vous accueillir aujourd'hui. »
« Je suis ravi de partager ce message d'espoir de la part de Sa Sainteté le Dalaï-Lama, poursuivit-il. C'est la cinquième fois que nous avons le privilège de l'accueillir ici. Et cela fait maintenant vingt ans que nous avons créé la chaire d'études tibétaines du 14ème Dalaï-Lama. Le Dalaï-Lama est un enseignant bouddhiste incomparable et un champion de la réconciliation. Il rayonne de compassion et de paix. »
Sur ce, il proposa à Pico Iyer d’engager le dialogue avec Sa Sainteté.
Pico Iyer : Bienvenue Votre Sainteté, c'est un plaisir de vous revoir. Nous allons porter notre attention sur l'espoir. Que signifie l'espoir pour les bouddhistes ?
« Pour dire les choses simplement, notre vie est basée sur l'espoir, le désir que les choses se passent bien. Même dans l'utérus, la tranquillité d'esprit de la mère affecte l'enfant à naître. L'espoir concerne l'avenir. Bien que rien ne puisse être garanti pour l'avenir, nous gardons espoir, ce qui est bien mieux que d'être pessimiste. Au niveau mondial également, nous avons des raisons d'espérer.
« Nous venons tous de notre mère. Nous grandissons sous sa protection. Apprécier sa bienveillance, sans laquelle nous n'aurions pas survécu, est le fondement de notre capacité à cultiver la compassion. Faire l'expérience de la bonté de notre mère nous donne de l'espoir.
« Si nous enquêtons sur les cas d'enfants dont la mère est décédée lorsqu’ils étaient jeunes, je pense que nous trouverons des cicatrices émotionnelles.
« Notre vie dépend de l'espoir. Si vous avez de l'espoir, vous serez capable de surmonter les problèmes auxquels vous êtes confronté. Mais si vous êtes sans espoir, vos difficultés augmenteront. L'espoir est lié à la compassion et à l’amour bienveillant. Pour ma part, j'ai été confronté à toutes sortes de difficultés dans ma vie, mais je n'ai jamais perdu espoir. De même, la sincérité et l’honnêteté sont le fondement de l'espoir et de la confiance en soi. Être sincère et honnête est la parade au faux espoir. L'espoir fondé sur la vérité et l'honnêteté est fort et puissant. »
Pico Iyer : Pouvons-nous nous entraîner à être plus réalistes dans nos espoirs ?
« Notre cerveau humain, notre intelligence, nous permet d'avoir une vision à long terme, de ne pas penser uniquement à nos besoins immédiats. Nous pouvons adopter une perspective plus large et considérer ce qui est dans notre intérêt à long terme. En termes de pratique bouddhiste, par exemple, nous parlons d'ères cosmiques encore et encore et d’être au service de tous les êtres vivants, ce qui renforce notre confiance en nous.
Pico Iyer : L'espoir n'est-il pas lié à la religion ?
« Généralement, la religion est une question de foi, mais lorsque nous nous prélassons dans l'affection de notre mère, la foi n’est pas impliquée. La foi est quelque chose de créé par les êtres humains. Toutes les grandes traditions religieuses enseignent l'importance de la bienveillance et de l'amour. Certaines disent qu'il y a un Dieu, d'autres le nient. Certaines disent que nous passons de vie en vie, d'autres affirment que nous ne vivons qu'une seule vie. Ces traditions proposent des points de vue philosophiques différents mais elles ont en commun le message d’amour bienveillant.
« Les traditions théistes comme le christianisme enseignent que nous sommes tous créés par Dieu, qui, tel un père, incarne l'amour infini. C'est une idée puissante qui peut nous aider à reconnaître l'importance d'être bienveillant.
« Nous sommes des créatures sociales, dépendant de notre communauté. Et en tant que membres d'une communauté, même les personnes sans foi ni croyance peuvent conserver leur paix de l’esprit en étant prévenants, sincères et honnêtes. L'honnêteté et la compassion ne sont pas nécessairement des qualités religieuses, mais elles contribuent à nous permettre de mener une vie heureuse. Le fait de nous préoccuper de notre propre communauté contribue à notre propre survie. Le facteur clé est la compassion. La colère est son contraire. La colère détruit le bonheur et l'harmonie.
« Nous avons besoin de ressentir l’unité de l'humanité. Où que j'aille et quelle que soit la personne que je rencontre, c'est parce que je cultive ce sentiment que je la considère comme un autre être humain, un frère ou une sœur. Nous, les sept milliards d'êtres humains, sommes essentiellement identiques. Nous avons certes des différences de nationalité, de couleur, de foi et de statut social mais, en nous focalisant uniquement sur elles, nous nous créons des problèmes.
« Imaginez que vous venez d’échapper à une catastrophe et vous retrouvez tout seul. Si vous voyez quelqu'un au loin venir vers vous, vous ne vous soucierez pas de sa nationalité, de sa race ou de sa foi, vous serez simplement content de rencontrer un autre être humain. Les situations désespérées nous encouragent à reconnaître l'unité de l'humanité.
« Il y a eu suffisamment de guerres et de violence dans le passé. Aujourd'hui, alors que nous sommes confrontés à de graves problèmes en raison de la crise climatique, nous devons nous entraider. Nous devons autant que possible faire l’effort de vivre ensemble agréablement. »
Pico Iyer : Vous évoquez le réchauffement climatique. Comment pouvons-nous garder espoir face à un tel défi ?
« Le réchauffement climatique est une bonne raison de ne pas se chamailler les uns avec les autres. Nous devons apprendre à vivre ensemble. Nous sommes tous des êtres humains et nous vivons tous sur cette même planète. Nous ne pouvons pas adopter une position obsolète qui consisterait à penser uniquement à "ma nation", à "ma communauté", nous devons prendre en compte l'ensemble de l'humanité. »
Pico Iyer : N'avez-vous jamais craint de perdre espoir ?
« Seulement le 17 mars 1959, alors que je quittais Lhassa. Je me suis vraiment demandé si je vivrais assez longtemps pour voir le jour suivant. Puis, le lendemain matin, le soleil s'est levé et j'ai pensé : "J'ai survécu". L'un des généraux chinois avait demandé d’être informé de l'endroit où le Dalaï-lama résidait dans le Norbulingka afin d'éviter de le bombarder. Qu’il ait vraiment voulu me protéger ou me prendre pour cible, je l’ignore. En cette occasion, j'ai ressenti une certaine anxiété.
« Le lendemain, alors que nous atteignions le col de Ché-la, l'homme qui guidait mon cheval m'a dit que c'était le dernier endroit où nous pourrions voir le palais du Potala et la ville de Lhassa. Il fit tourner mon cheval pour que je puisse jeter un dernier regard.
« Nous avons fini par atteindre l'Inde, qui est la source de tout notre savoir et de l'érudition de Nalanda. Depuis l'enfance, je suis imprégné de cette tradition d'investigation qui applique la raison et la logique. Quand la foi est ancrée dans la logique, elle est solide. Sinon, elle est fragile.
« Aujourd'hui, les scientifiques sont intrigués par notre approche analytique, qui sert de base à nos discussions. Et nous cultivons également "shamatha" pour réaliser un esprit calme et concentré, ainsi que la vue supérieure de "vipassana" résultant de l'analyse. Et en plus de ces qualités, nous cultivons "ahimsa" et "karouna", la non-violence et la compassion, sur la base de la raison. »
Pico Iyer : Tant de personnes ont été touchées par la pandémie du Covid. Comment pouvons-nous gérer la mort et la perte ?
« J'apprécie vraiment les efforts de tous les médecins et infirmières qui ont donné et donnent encore de l'aide à ceux qui sont malades.
« En tant que bouddhiste, je vois ce corps comme quelque chose qui nous prédispose à tomber malade. Mais le fait de garder la paix de l'esprit fait la différence. L'anxiété ne fait qu'aggraver les choses. Si vous avez un esprit calme et que vous pouvez accepter le fait de tomber malade comme une conséquence de votre karma, cela peut vous aider. »
Pico Iyer : Votre Sainteté, vous avez une grande foi dans les jeunes. Sont-ils la base de votre espoir ?
« Les personnes âgées ont tendance à se tourner vers le passé, vers la façon dont les choses étaient auparavant. Les jeunes ont tendance à être plus ouverts, à s'intéresser davantage à l'esprit. L'éducation moderne trouve ses origines en Occident, mais l'Inde ancienne a cultivé une compréhension approfondie du fonctionnement de l'esprit et des émotions. L'Inde ancienne a défini plus de cinquante types d'émotions. Je crois que l'Inde d'aujourd'hui peut combiner la pensée matérialiste de l'éducation moderne avec une compréhension sur la manière de surmonter les émotions perturbatrices. »
Pico Iyer : Comment une personne ordinaire peut-elle trouver la paix de l'esprit ?
« L'éducation moderne en Inde fut introduite par les Britanniques, mais comme je l'ai déjà mentionné, je crois qu'on peut la combiner de façon tout à fait profitable avec la compréhension de l’Inde ancienne du fonctionnement de l'esprit et des moyens séculiers pour réaliser le confort mental. On peut en outre la combiner avec des méthodes qui permettent d’éliminer les émotions perturbatrices. Lorsque la pandémie sera terminée, j'ai hâte d’avoir des discussions avec des formateurs indiens sur la manière d’agir en ce sens. »
Pico Iyer : Le monde est-il meilleur qu'il ne l'était lorsque vous êtes né, il y a près de 86 ans ?
« Les gens ne considèrent plus les choses comme allant de soi tel qu’ils le faisaient autrefois. Des événements comme cette pandémie et le réchauffement climatique présentent des défis qui nous poussent à examiner comment nous pouvons y faire face. Les difficultés peuvent nous amener à ouvrir notre esprit et à user de notre intelligence. Le maître bouddhiste indien Shantidéva nous a conseillé d'examiner les problèmes qui se présentent à nous pour voir s’il est possible de les résoudre. Si c’est possible, alors c'est ce que nous devons faire. S'inquiéter n’aidera en rien. Les défis peuvent nous réveiller.
« La jeune génération a tendance à être plus ouverte d'esprit, tandis que les personnes plus âgées s'en tiennent à des schémas établis. Ce sont les jeunes qui adopteront une approche nouvelle pour surmonter les problèmes. »
Pico Iyer : Certaines personnes s'inquiètent de l'augmentation de la colère et de la violence dans le monde d'aujourd'hui. Êtes-vous d'accord avec cela ou restez-vous optimiste ?
« Au siècle dernier, il y eut tant de sang versé. Mais après la seconde guerre mondiale, d'anciens ennemis, Adenauer et de Gaulle, fondèrent l'Union Européenne. Depuis lors, il n'y a plus eu de combats entre ses états membres. Le monde entier devrait adopter une telle attitude vis-à-vis d’autrui pour le plus grand bien de l'ensemble de l'humanité. Les conflits et les situations difficiles nous incitent à nous tourner vers des modes de pensée dépassés (le recours à la force, par exemple) alors que nous devrions adopter une approche nouvelle et plus humaine.
« Je pense que si j'étais resté à Lhassa, je penserais de manière plus étroite que je ne le fais. Venir en Inde en tant que réfugié m'a ouvert et élargi l'esprit et m'a incité à user de mon intelligence. »
Pico Iyer : Comment pouvons-nous aider le Tibet et assurer la survie de la culture tibétaine ?
« Depuis 2001, je me suis retiré de tout engagement politique, mais je me sens toujours responsable de la préservation de la culture tibétaine. Au huitième siècle, l'empereur tibétain invitait Shantarakshita, un grand philosophe et donc grand logicien, au Tibet. Il introduisit la tradition de Nalanda, qui a beaucoup de points communs avec la pensée scientifique. Elle est fondée sur une approche logique et investigatrice.
« À cette époque au Tibet, il y avait des enseignants bouddhistes chinois qui affirmaient que la pratique de la méditation était plus importante que l'étude. Kamalashila, le disciple de Shantarakshita a débattu les mérites des approches chinoise et indienne devant l'empereur. La tradition indienne prévalut et on pria les méditants chinois de retourner en Chine. Depuis lors, nous avons adopté la logique. Les principaux traités indiens sur la raison, la logique et l'épistémologie ont été traduits en tibétain. Le fondement de la tradition de Nalanda a été préservée de nos jours.
« Aujourd'hui, dans les régions reculées du Tibet, malgré les efforts des communistes chinois pour s'y opposer, l'étude de ces traditions se poursuit. En Inde, nous avons rétabli nos principaux centres d'apprentissage et plus de 10 000 monastiques sont engagés dans une étude rigoureuse. »
« Elle consiste à reconnaître, par exemple, que la colère est le destructeur le plus efficace de la paix de l'esprit, mais que l’on peut tout à fait la contrer en développant l'altruisme et la compassion pour autrui. L'ignorance, une autre perturbation mentale, nous crée également des problèmes et on peut l’éliminer par l'étude. Un grand érudit tibétain fit remarquer un jour que même si l’on meurt le lendemain, cela vaut toujours la peine d'étudier aujourd'hui. »
Pico Iyer : L'intérêt pour le bouddhisme tibétain est-il croissant en Chine ?
« Oui, même parmi les professeurs d'université. Nous avons publié plusieurs volumes d’une collection intitulée Science et philosophie dans les classiques du bouddhisme indien et des traductions chinoises leur sont parvenues. En conséquence, ils ont développé une plus grande appréciation de notre tradition. Peut-être se rendent-ils compte que l'éducation bouddhiste est largement plus profonde que le totalitarisme marxiste. »
Pico Iyer : Avez-vous des conseils à donner aux étudiants de l'université de Californie-Santa Barbara ?
« Cette université est importante. Notre avenir doit être fondé sur l'éducation. Nous avons besoin de nouvelles connaissances. Il est important que les professeurs puissent mener des recherches et transmettre ce qu'ils apprennent à leurs étudiants. Cette université peut contribuer de manière significative à créer un monde meilleur. Merci. »
Michael Drake, en tant que président de l'Université de Californie remercia Sa Sainteté pour avoir partagé de son temps. Il fit observer que Sa Sainteté était associé à l'UCSB depuis quarante ans et que, vingt ans auparavant, y était fondée la chaire d'études tibétaines du 14ème Dalaï-Lama. Il remercia Pico Iyer d'avoir animé la conversation. Il souligna que la compassion était importante dans la vie des sept milliards d'êtres humains vivant aujourd'hui et termina son discours en remerciant le Chancelier Yang et Celesta Billeci pour l’organisation de l'événement.
Sa Sainteté répondit en adressant ses propres remerciements et en suggérant que, de temps à autre, il serait possible de tenir d'autres conversations comme celle d'aujourd'hui par Internet. « Toute contribution que je puisse apporter à l'amélioration du monde, c'est de mon devoir de le faire. Je vieillis peut-être, mais mon cerveau est toujours bon. Le but de notre vie est de servir l'humanité. »
Celesta Billeci mit fin à la session en remerciant une nouvelle fois Sa Sainteté, Pico Iyer et le président Drake et en exprimant son optimisme quant au fait que l'initiative "Créer l’espoir" de l'université aura été bénéfique pour autrui. Elle conclut en citant Sa Sainteté:
TIBET / BAGNERES-DE-BIGORRE : Musée Salies collection Jean Lassale 25 juin 2021
Cette collection présente quelques aspects importants de cette civilisation tibétaine si riche. Pendant des siècles le monde extérieur voyait le TIBET comme une terre de mystère et de magie. Comprendre son peuple, ses habitudes et traditions, aura été le but de Jean LASSALE et de Deny ROGER, deux collectionneurs.
Les objets ici rassemblés au musée SALIES de Bagnères-de-Bigorre nous parlent de ses espaces infinis, de sa religion pacifique, de ses nomades guidant leurs troupeaux sur ces vastes plaines.
Légende de l’illustration :
Statuette rare, Tibet 1930
Le 13ème Dalai Lama Thubten Gyatso (1876-1933)
Hauteur 11cm-L base 8,4cm
Cette représentation très réaliste est très rare, il n’en existe que deux connues dans des collections privées. Cette statuette est chargée par la base. Voir magazine Orientations sept 2005 : “From tradition to truth”, images of the 13th Dalaï Lama, Michael Henss
Prov : Collection Jean Lassale
À Lhasa, au Tibet, il ne faut plus parler à sa famille à l’étranger
Signe d’un nouveau durcissement de la politique chinoise, les Tibétains de la ville de Lhasa ont reçu l’ordre de ne plus contacter leur famille et leurs relations résidant à l’étranger.
Sous peine de se voir infliger une lourde amende, les Tibétains de la ville de Lhasa, capitale de la région autonome du Tibet, se sont vu interdire d’entrer en relation avec leur famille et leurs amis qui vivent à l’étranger, indique le Tibet Times, journal en tibétain basé à Dharamsala, en Inde. Près de 150 000 Tibétains vivent en exil dans les pays voisins, principalement en Inde, siège du gouvernement en exil, où réside le dalaï-lama, chef spirituel bouddhiste. Le gouvernement chinois combat depuis des décennies l’attachement de la population tibétaine en exil au dalaï-lama, qu’elle qualifie de “séparatiste”.
Selon des informations parvenues au journal, des policiers de la municipalité de Lhasa “ont convoqué les membres des familles tibétaines qui vivent à proximité du Tromsikhang et du Jokhang [centre-ville traditionnel de Lhasa] et leur ont interdit dorénavant d’établir des contacts de nature familiale ou commerciale avec des personnes à l’étranger ; ils les ont forcés à signer un document disant qu’ils acceptaient, en cas de contact, l’interruption du versement de toute aide sociale, ainsi que l’application d’une punition sévère”.
Une source a indiqué au journal que cette directive n’émanait pas du gouvernement central mais des autorités locales.
Communications coupées
Une personne originaire de Lhasa et vivant dans le sud de l’Inde, interrogée par le journal, a corroboré avoir constaté des difficultés grandissantes à communiquer avec ses relations restées sur place. “Il est vraisemblable qu’une telle directive soit mise en place. Je discute régulièrement avec un ami tibétain à Lhasa. Aujourd’hui, quand je lui ai demandé par vidéo s’il allait bien, à peine avait-il répondu que la communication a été interrompue. Je me suis demandé ce qui se passait et j’ai à nouveau pu parler avec lui, et il m’a répondu : ‘On m’a bloqué.’ Quelques personnes qui sont de ce quartier de Lhasa, par ailleurs, m’ont déclaré que, quand elles établissent un contact avec le Tibet, on les bloque.”
Une personne qui travaille dans les milieux de l’information au Tibet, interrogée par le journal, a déclaré qu’un projet de cette sorte était bien en cours de mise en place, “pour des motifs de sécurité locale”.
L’État chinois a depuis plusieurs années proclamé l’interdiction de communiquer avec les Tibétains de l’extérieur et même d’entrer en contact avec sa famille. Et cette politique est en train de se durcir, commente l’auteur de l’article.
Journal indépendant créé en 1996, le Tibet Times est lu dans la société tibétaine en exil. Il est publié tous les dix jours à Dharamsala (Inde). Le site est aussi réalisé en tibétain. Il est mis à jour quotidiennement.
21 Mai 2021
Sept figures de l’intelligentsia tibétaine arrêtées
Ces derniers mois, des figures de l’intelligentsia tibétaine auraient été arrêtées sur des accusations d’atteinte à la sécurité de l’Etat – un terme très ambigu, souvent utilisé par la Chine contre les militants et les écrivains.
Ces derniers mois, selon les informations reçues par les Tibétains en exil, les autorités chinoises semblent avoir renforcé la répression et la détention d’écrivains tibétains, de militants, etc. au Tibet.
Dans la préfecture autonome tibétaine de Kardze, six Tibétains considérés comme éminents dans leur communauté ont été arrêtés au cours des dernières semaines, les raisons de leur arrestation étant inconnues.
Gangkye Drupa Kyab est un écrivain, poète, enseignant et père de deux enfants qui a été condamné en 2013 à cinq ans et six mois de prison pour « activités politiques ».
Drupa Kyab
Le 23 mars 2021, Gangkye Drupa Kyab, également appelé ‘Gangme Thak’, a été de nouveau arrêté à Sertha et le gouvernement chinois n'a donné aucune raison valable pour son arrestation.
Écrivain et militant écologiste, Sey Nam a été arrêté le 2 avril également.
L’activiste tibétaine et ancienne prisonnière politique Tsering Dolma, qui avait déjà été détenu au moins deux fois auparavant, en 2008 et 2012 a été de nouveau arrêtée.
Le militant politique Gangbu Yudrum a été placé en détention le 22 mars. Yudrum avait déjà purgé une peine de trois ans de prison à partir de 2008 pour son rôle dans une manifestation au cours de laquelle il avait brandi le drapeau national tibétain interdit et appelé au retour au Tibet du chef spirituel tibétain en exil, le Dalaï Lama.
Go Sherab Gyatso un intellect tibétain détenu arbitrairement par les autorités chinoises. Dont le lieu et les conditions de détention restent toujours inconnus.
Go Sherab Gyatso, un résident de Ngaba, éminent érudit tibétain connu pour son activisme redoutable et ses opinions franches, avait été arrêté sans explication le 26 octobre dernier à Chengdu.
Go Sherab Gyatso
Il s’agit de sa quatrième détention connue en plus de deux décennies. Les autorités chinoises ont demandé à sa famille et à ses proches au Tibet de ne pas parler de sa détention, sous peine de s'exposer à de lourdes sanctions pénales. Gyatso est toujours détenu au secret dans un lieu tenu secret.
Mi-mars 2008, il faisait partie des 47 Tibétains originaire de Ngaba, dont des laïcs et des moines étudiant aux monastères de Sera et de Drepung, qui ont été arrêtés à la suite d’une manifestation le 12 mars à Lhassa. Le groupe est resté en résidence surveillée pendant un mois au monastère de Sera, puis a été détenu pendant 15 jours dans un centre militaire du canton de Nyethang, dans le comté de Chushur, dans la préfecture de Lhassa. Pendant plus de six mois, ils ont été détenus sans inculpation ni jugement.
En 2011, il a été nouveau arrêté à Siling (Ch : Xining) et emmené dans un centre de détention à Chengdu. Bien que la raison exacte de sa détention reste inconnue, son jeune frère Go Jigmey pense que la détention pourrait être liée au livre qu’il voulait imprimer à Siling.
En 2013 encore, il a été expulsé du monastère de Kirti après s'être opposé à un ordre du comité d'éducation du monastère, qui interdisait aux moines de publier tout écrit non approuvé par le conseil. Dans un essai intitulé « Can't Help Speaking Out » (Je ne peux pas m’empêcher de parler), il a tenté de persuader le comité d’annuler son ordre pour violation de la liberté d'expression.
Go Sherab Gyatso est un érudit et un intellectuel bouddhiste très respecté, auteur de huit livres depuis 1998 jusqu'à sa détention en 2008. Il avait appris le chinois pendant son emprisonnement en 1998.
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Les larmes du passé, par Gangkye Drupa Kyab
L’histoire des habitants de la neige
Quand j’y pense maintenant, je n’ai que des larmes.
Aucun moment de joie ne se présente dans nos cœurs
Quand nous ne faisons plus qu’avaler des larmes
Au milieu de l’histoire illusoire
Et de la guerre des rouges d’airain
D'innombrables vies tibétaines ont été perdues
Ah, cette souffrance !
Au milieu de la guerre du passé
Notre protecteur exilé derrière les montagnes de neige.
« Il y a peu de chances que la Chine permette aux Tibétains de choisir leur prochain chef spirituel »
Dans un entretien au « Monde », le chercheur britannique Robbie Barnett analyse l’attitude de Pékin face à la succession prochaine du dalaï-lama, âgé de 85 ans, après l’élection du gouvernement tibétain en exil.
21 Mai 2021
Penpa Tsering dans la délicate position du rassembleur des Tibétains
Officiellement élu sikyong, leader des Tibétains en exil, cet homme de 55 ans va affronter une série de défis pour rétablir un dialogue avec une Chine de plus en plus intransigeante et fédérer une communauté éparpillée.
Un enfant de l’exil et du peuple avec des défis colossaux à relever. Ce vendredi, Penpa Tsering a été officiellement élu sikyong, leader politique des Tibétains, pour succéder à Lobsang Sangay qui achève un double mandat houleux de dix ans contre lequel il avait perdu en 2016. Sur un total de 83 000 inscrits (sur quelque 150 000 Tibétains en exil disséminés dans 40 pays), près de 64 000 se sont exprimés en faveur de cet homme de 55 ans né dans un camp tibétain à Bylakuppe, une ville de l’Etat du Karnataka, dans le sud de l’Inde.
Troisième enfant d’une famille de neuf, Penpa Tsering a fait des études d’économie au Madras Christian College. Issu d’une famille très modeste, il a occupé des postes de gérant et de manager dans la restauration, puis dans la production et l’exportation de tapis tibétains, avant de se lancer en politique. «La pauvreté, l’exclusion, il les a vécus dans sa chair, assure une de ses proches. Il saura parler aux Tibétains et aux plus démunis.»
Un mandat qui commence mal
A 30 ans, il est élu député au Parlement tibétain en exil, puis réélu. En 2008, il en devient le président jusqu’à sa nomination de représentant du bureau du Tibet à Washington en 2016, le plus prestigieux des postes. Mais les affaires tibétaines ne sont guère un long fleuve tranquille. Il est démissionné en novembre 2017. «Penpa Tsering a une vraie légitimité d’homme politique et de connaisseur de l’administration tibétaine, analyse Françoise Robin professeure des universités à l’Inalco et grande spécialiste du Tibet, Une expertise internationale, aussi, même s’il n’est pas totalement à l’aise en anglais. Cela laisse d’ailleurs perplexe la jeunesse tibétaine anglophone.»
Marié, père d’une fille, Penpa Tsering doit entamer un mandat qui commence mal. Les autorités tibétaines traversent une crise institutionnelle avec le récent et très curieux renvoi par le Parlement des trois juges de la Cour suprême devant lesquels le nouveau sikyong et les 45 députés -qui viennent également d’être élus- devaient prêter serment d’ici à la fin du mois.
Mais en dehors de ce problème immédiat d’intendance, Penpa Tsering affronte une série de défis. Le premier, le plus évident, est la relation avec la Chine qui a envahi le Tibet en 1959, considérant qu’il faisait partie de son territoire. Depuis, le régime chinois a sinisé et colonisé le Tibet, se livrant à des violations massives des droits humains et des libertés fondamentales. Dans une interview récente au magazine The Week,Penpa Tsering a déclaré qu’il souhaitait reprendre le dialogue avec la Chine.
Adepte de la «voie du milieu»
«Il n’y a pas eu de discussions officielles entre le gouvernement chinois et le représentant du dalaï-lama depuis 2010. De 2002 à 2010, nous avons eu neuf cycles de discussions, dont un informel, mais il n’y a pas eu d’avancée depuis [cette année-là], a-t-il rappelé. Mon objectif est de faire quelques progrès dans la reprise du dialogue. La Chine ne reconnaît pas l’Administration tibétaine centrale [que le sikyong préside, ndlr]. Les pourparlers ont toujours eu lieu entre la Chine et le représentant du Dalaï-Lama.»
Face à la Chine de Xi Jinping de plus en plus intransigeante, au Tibet comme avec les Ouïghours du Xinjiang, cette reprise du dialogue n’est guère assurée. «Penpa Tsering ne parle pas le mandarin et il n’y a pas dans son entourage une grande connaissance de la Chine, alors que les Chinois, eux, ont les experts et suivent très bien cette question-là», poursuit Françoise Robin.
Adepte de la «voie du milieu» (une politique de refus des extrêmes et défense de l’autonomie plutôt que l’indépendance élaborée en 1987), Penpa Tsering pourra-t-il s’imposer comme un rassembleur, un médiateur ? Il va devoir représenter une communauté tibétaine composée de quatre générations en exil, éparpillée dans 40 pays et «souvent divisée sur des bases régionales qui engendrent le favoritisme et fragilisent le pouvoir», constate Françoise Robin. Le précédent sikyong, Lobsang Sangay, natif de Darjeeling (nord-est de l’Inde) passé par la prestigieuse faculté de droit de Harvard aux Etats-Unis, s’est d’ailleurs livré à une forme de clientélisme avec un manque de transparence et un mésusage des fonds publics. «Il était très clivant, juge Françoise Robin. Il a exacerbé les tensions et laisse derrière lui de nombreux problèmes.»
«Celui qui maintient la flamme»
Dans ce paysage divisé, Penpa Tsering va devoir composer avec une communauté tibétaine en Inde gagnée par l’exil. Dharamsala, pourtant berceau historique des Tibétains après la fuite du dalaï-lama (Tenzin Gyatso) et d’environ 100 000 fidèles en mars 1959, voit de plus en plus partir les siens vers l’occident depuis une dizaine d’années.
En plus de ce risque d’éparpillement et d’affaiblissement, le nouveau sikyong doit s’emparer d’une question aussi symbolique que politique : le rapport au dalaï-lama. Officiellement à la retraite depuis 2011, Tenzin Gyatso célébrera ses 86 ans cette année. Vénéré par tous, il est «celui qui maintient la flamme», reprend Françoise Robin. Mais il ne joue plus aucun rôle politique. Ce n’est pas une urgence, mais Penpa Tsering devra probablement se projeter dans l’après-dalai lama.
Pour l’heure, Penpa Tsering entend approcher le gouvernement de Xi Jinping pour faciliter la visite du dalaï-lama en Chine, qui a manifesté son désir de retourner à Lhassa qu’il avait fui en 1959 et au mont sacré Wutai. Un défi qui a des airs de vœu pieu.
Association Humanitaire exclusivement composée de bénévoles qui vient en aide aux réfugiés tibétains qui mènent la vie de l'exil et du dénuement dans les camps installés depuis 60 ans en INDE et au NEPAL.