Les militants pro-tibétains en exil parlent de Hong-Kong comme d'un "nouveau Tibet". Eux, tentent tant bien que mal de conserver une identité et une culture que Pékin voudrait effacer. Entretien avec Françoise Robin, professeure de langue et de littérature tibétaine à l’INALCO.
Les occasions sont rares de parler du Tibet. Déjà loin est le grand soulèvement de 2008 dans les régions chinoises de population tibétaine… Aujourd’hui, la « sinisation » de ces régions se poursuit mais à bas bruit, et la résistance se fait depuis l’extérieur. Sept millions de Tibétains en Chine, 150 000 répartis à travers le monde : les Tibétains en exil, qui votent pour un Parlement en exil, ont un gouvernement en exil… on l’appelle l’Administration centrale tibétaine, et un nouveau président a été élu récemment à sa tête, Penpa Tsering.
Retrouvez ici le dernier rapport de l'ethnologue Katia Buffetrille pour l'Iris : "Tibet, un pays oublié ?"
Penpa Tsering ne parle pas chinois, ce qui est un problème de génération, mais il connait bien ses dossiers et il a une équipe. Il faut non seulement connaître la langue chinoise, mais connaître aussi le fonctionnement de la Chine. Et ça, c'est peut être un problème en ce moment dans ce gouvernement tibétain en exil qui manque de spécialistes. De toute manière, pour l'instant, il n'y a pas de dialogue. La Chine refuse le dialogue depuis 2010. Ça fait onze ans que les Tibétains demandent à le reprendre. Françoise Robin
Aucun pouvoir international ne reconnaît le gouvernement tibétain en exil. Il y a des petites ambassades à droite, à gauche, mais il n'y a pas de représentation tibétaine à l'ONU. Le rôle de ce gouvernement est d'abord de reprendre le flambeau de la discussion avec Pékin, mais aussi d'administrer les 150 000 Tibétains en exil. Et là, il commence à y avoir des fractures internes. Et puis, alors que l'Inde [où se trouve le siège du gouvernement tibétain en exil] permettait de maintenir une identité tibétaine grâce à un réseau d'écoles et à la langue et parce qu'elle avait reconstruit des monastères, beaucoup de Tibétains désormais la quittent pour s'installer en Occident. Cela dilue la possibilité de poursuivre ou de continuer à bâtir une identité autour de la langue. Françoise Robin
Même si la Chine est officiellement qualifiée de multinationale, car composée de plusieurs ethnies, Xi Jinping souhaite que tout ce monde-là va se fonde dans une seule nation qui est la nation chinoise, à inventer. En réalité, les Chinois ethniques (les Hans) représentent 92% de la population, ils sont déjà ultra-majoritaires. Les 8% qui restent doivent se conformer à la projection majoritaire de ce qu'est être chinois. Au-delà des facteurs culturels et linguistiques, le "rêve chinois" de Xi Jinping est de fabriquer des citoyens patriotiques, urbains, consommateurs, etc. Tout ce que ne sont pas les Tibétains ni les Ouïgours. Françoise Robin
À l’école des moines, on étudie Xi Jinping, pas le dalaï-lama
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Au cœur des étendues tibétaines, Drolkar et son mari élèvent des brebis, tout en veillant sur leurs trois fils. En réaction à la politique de l’enfant unique imposée par Pékin, elle s’initie en secret à la contraception, pratique taboue dans cette communauté traditionnelle. La maigre réserve de préservatifs qu’elle se procure au compte-gouttes devient alors son bien le plus précieux. Le jour où elle surprend ses enfants en train de jouer dehors avec les « ballons » volés sous son oreiller, Drolkar sait aussitôt qu’elle va devoir tout affronter : les reproches des aînés, le poids de la tradition, le regard des hommes. Et une naissance à venir…
Le film tibétain - Balloon - (nouveau film de Pema TSEDEN, réalisateur de Tharlo, le berger tibétain et Jinpa, un conte tibétain) est une belle réussite, joliment interprétée, tout autant attendrissante, pleine d’humour que poignante. Une invitation au voyage dans un autre monde qui est pourtant le nôtre.
APACT
Association Humanitaire exclusivement composée de bénévoles qui vient en aide aux réfugiés tibétains qui mènent la vie de l'exil et du dénuement dans les camps installés depuis 60 ans en INDE et au NEPAL.