A Achères, en région parisienne, une communauté toujours plus grosse de demandeurs d’asile tibétains vit sous des tentes dans un camp précaire. A l’approche de l’hiver, les associations demandent à ce que ces personnes soient mises à l’abri.
À Achères, en région parisienne, quelque 400 demandeurs d’asile tibétains ont planté leurs tentes sur un terrain vague depuis début août. Face à un chantier de construction d’immeubles et en lisière de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, des hommes et des femmes seuls, mais aussi quelques familles et six enfants, selon les associations, vivent tant bien que mal sous de grandes bâches tendues entre des bâtons de bois. Le but : se protéger de la pluie, fréquente ces derniers temps.
“C’est dur d’être dans ce camp, il commence à faire froid”, affirme Jigmey Choedhen, un ancien étudiant en littérature de 26 ans, vêtu d’un t-shirt floqué d’un drapeau tibétain. Dehors, face à l’arrivée de gros nuages noirs, des membres de la communauté s’affairent pour construire en toute hâte de nouveaux abris et rehausser les tentes qui sont à même le sol à l’aide de matelas trouvés, comme presque tout ici, dans des déchetteries. Jigmey Choedhen, lui, tousse constamment. “J’ai un rhume”, suppose le jeune homme qui n’a pas consulté de docteur.
Depuis le 23 juillet, il dort dehors, dans une installation sommaire aux allures de yourte. Au centre, des matelas et couvertures récupérés çà et là entourent des cagettes faisant office de table basse sur laquelle on sert du thé au lait sucré. Dans le fond, près d’une ouverture donnant sur la forêt, une sorte d’espace cuisine a été emménagé : poêles et ingrédients de base dans un coin, réserve de rondins de bois coupés dans un autre, et un feu de camp au milieu. Lorsque les occupants font à manger, la fumée envahit tout l’espace et des cendres volent. « On a peur pour nos affaires et surtout pour nos documents de demandeurs d’asile. On craint qu’ils prennent l’eau ou, pire, qu’un incendie se déclare », s’inquiète Lobsang, 27 ans.
Quinzaine personnes, réparties dans 11 tentes, vivent sous cette bâche. Photo : InfoMigrants
Avant août, ces demandeurs d’asile étaient installés dans la commune voisine de Conflans-Sainte-Honorine, là aussi dans des camps. « La mairie ne faisait rien. Tout ce qu’elle a fait, c’est fermer les bains douches et empêcher l’accès aux toilettes publiques », s’offusquent des représentants des associations.
Devant l’inaction des pouvoirs municipaux et de la préfecture, des associations, dont la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), le Réseau d’accueil des migrants des Yvelines et le Collectif de la Confluence, ont décidé de saisir la justice. En début de semaine, le tribunal de Versailles a ainsi décrété que des sanitaires, des douches et des points d’eau devaient être rendus accessibles à ces migrants.
Sur le camp d’Achères, seul un tuyau d’eau, installé mi-septembre, permet de boire et de faire la vaisselle. “C’est très difficile d’avoir accès à des toilettes, confie encore Jigmey Choedhen. Le sanitaire le plus proche se trouve dans la station de RER d’Achères Ville », à une dizaine de minutes à pied. “Sinon, il y a la forêt.”
“Ni droits, ni sécurité” au Tibet
Jigmey Choedhen et ses compagnons d’infortune, tous demandeurs d’asile et âgés entre 26 et 39 ans, gardent toutefois le sourire. Loin de leur Tibet natal, ils savourent le fait de vivre désormais dans un pays “libre”, après avoir, pour la plupart, traversé l’Himalaya à pied pour rejoindre le Népal et s’être ensuite envolés pour la France à l’aide de faux passeports.
Un périple périlleux entrepris pour fuir le Tibet, où les citoyens n’ont “ni droits, ni sécurité, ni liberté”, se plaignent les intéressés. Cette région autonome de la Chine, contre laquelle Pékin a envoyé son armée en 1959 pour mater une révolte, subit depuis des décennies la politique répressive des autorités chinoises qui n’hésitent pas à cibler les dissidents politiques présumés. Depuis 2009, le Tibet est secoué de vagues de tentatives de suicide et d’immolations par le feu perpétrées, notamment, par des moines bouddhistes, pour protester contre la domination chinoise sur le plateau de l’Himalaya.
Plusieurs jeunes enfants vivent dans le camp de demandeurs d’asile tibétains de Achères. Photo : InfoMigrants
Jigmey Choedhen a, lui, fui le Tibet en 2012, lorsque ces immolations étaient à leur pic. “A l’époque, j’étais allé rencontrer un moine qui avait tenté de s’immoler par le feu et qui avait survécu à ses blessures », raconte l’exilé originaire de la région de l’Amdo. « Je l’ai filmé et j’ai posté la vidéo sur les réseaux sociaux. Une semaine plus tard, j’ai été arrêté par la police et mis en prison. Ils m’ont dit que je risquais entre 3 ans et 7 ans d’emprisonnement parce que j’avais posté cette vidéo. Mes parents ont pu trouver de l’argent pour me libérer au bout d’une semaine, mais pendant les années qui ont suivi, j’ai eu la police sur le dos lors de chacun de mes déplacements.”
A ses côtés, Temba, âgé de 26 ans, est allé quant à lui rencontré le Dalaï Lama, le chef spirituel tibétain en exil en Inde. Une décision lourde de conséquences. Depuis, il est persona non grata dans son pays, dans lequel il n’a de toute façon pas l’intention de retourner. “Arrivé à Dharamsala, on m’a dit de venir en France, car on y traite bien les réfugiés tibétains”, dit-il.
De fait, en France, la quasi-totalité des Chinois d’origine tibétaine obtiennent leur statut de réfugié en quelques mois. « Au regard de la Convention de Genève et des violations des droits de l’Homme en cours dans cette région du monde, les Chinois d’origine tibétaine sont considérés comme une population très clairement persécutée », explique Gérard Sadik de La Cimade.
« On est connu à Dharamsala, on ne sait pas vraiment pourquoi »
Sur le sol français, il est un endroit qui attire tout particulièrement cette communauté : la péniche « Je Sers », gérée par l’association La Pierre Blanche, un bateau-chapelle qui recueille les plus démunis depuis un siècle. « C’est une tradition ici : on accueille ceux qui se présentent. Mais force est de constater que, depuis 2011, on accueille surtout des Tibétains », explique Hugues Fresneau, directeur des lieux, qui parle de nouvelles arrivées quotidiennes et incessantes. Sur le bateau, situé à une station de RER du camp d’Achères, une cinquantaine de personnes sont hébergées, des douches sont accessibles pour les occupant et des repas chauds sont servis.
« Ils viennent chez nous car notre bateau est connu à Dharamsala, dans le nord de l’Inde [siège de gouvernement tibétain en exil, NDLR]. On ne sait pas vraiment pourquoi. Notre notoriété est telle que notre président est allé rencontrer le Dalaï-Lama il y a quelques années ! », poursuit-il. « On nous accuse parfois de faire de l’appel d’air mais le problème, c’est qu’il n’y a pas de prise en charge de ces personnes par l’Ofii. Elles sont complètement perdues, elles se trouvent dans un dénuement total. Et nous, nous sommes arrivés à saturation. »
La péniche « Je Sers », à Conflans-Sainte-Honorine, accueille les plus démunis, majoritairement des Tibétains : InfoMigrants
Devant l’afflux des demandes, un centre d’accueil d’une capacité de 100 places a ouvert ses portes à proximité du bateau, à Conflans-Sainte-Honorine. Censé accueillir les personnes du coin, le centre sert également à héberger des migrants venus de Paris.
Ceux qui n’ont trouvé de place ni dans ce centre ni sur le bateau se retrouvent dans la nature dans le campement d’Achères. Une situation que les associations présentent comme absurde. « Nous le savons, que ces personnes vont obtenir leur statut de réfugié, alors pourquoi ne pas profiter de leur temps d’attente pour les préparer ?, s’insurge Odile Roy, membre de la Ligue des droits de l’Homme (LDH). Elles pourraient apprendre le français, ou essayer de déterminer quel métier elles pourraient exercer en fonction de leurs expériences passées. Mais non, au lieu de ça, on les laisse ici, comme ça. »
Tsering, 35 ans et doyenne de son « groupe de tentes », passe le temps, enroulée dans une couverture. « Nous vivons dans des conditions terribles, lance-t-elle. Nous avons de la peine à trouver de la nourriture. Nous vivons dans l’humidité et développons de l’arthrose et des problèmes aux os. Pour nous laver, nous ne sommes pas tous en mesure de nous déplacer jusqu’au bateau à Conflans Sainte-Honorine. Je remercie le gouvernement français pour ce qu’il fait déjà pour nous mais il faut nous aider mieux que ça. »
images : Quelque 400 demandeurs d’asile tibétains vivent sous des tentes dans un camp à Achères, en région parisienne, depuis août. Photo : InfoMigrants
19 Octobre 2019
NEPAL / le Toit du Monde en alerte : Les ressources en eau menacées par la fonte des glaciers.
Touché de plein fouet par la fonte des glaciers himalayens, le Népal tente de faire face aux menaces provoquées par les effets du réchauffement climatique
«Observe et alerte», tel est le motto des scientifiques népalais du Département d’hydrologie et de météorologie, à Katmandou. Si le bâtiment vitré abrite 230 employés, ils ne sont que cinq spécialistes chargés du système d’alerte face aux inondations fréquentes qui engendrent débordements de rivières, glissements de terrain ou ruptures des lacs formés en altitude par la fonte des glaciers. Ces hommes sont les yeux qui traquent la furie des eaux sur le Toit du Monde. Leur tâche titanesque est vouée à être fragmentaire, dans le relief himalayen démesuré du Népal, l’un des pays les plus pauvres du monde.
Sur grand écran, la petite équipe scrute la carte où clignotent les données des capteurs installés à travers le territoire. Avec 178 points de surveillance en pluviométrie et 115 pour le niveau des rivières et des lacs glaciaires, les données sont mises à jour toutes les quinze minutes et, durant la mousson, de juin à septembre, toutes les cinq minutes. Cet été, la mousson a fait près d’une centaine de morts au Népal.
Réactivité et résilience
«A cette période, nous faisons des nuits blanches, commente Rajendra Sharma, l’hydrologue à la tête du département. Les épisodes pluvieux sont de plus en plus extrêmes et leur distribution est inégale», souligne ce scientifique à la barbe de trois jours. Lorsque l’alerte maximale est atteinte, une sirène retentit dans la control room, la salle dédiée aux scénarios catastrophes devenus réalité. «Nous avons alors généralement entre trois et douze heures avant l’inondation pour alerter les populations. Parfois, nous sommes fiers de pouvoir sauver des vies.»
Mais si les rivières de la plaine du Teraï, en bordure de l’Inde, sont accessibles, comment surveiller les plus hautes montagnes du monde? «En haute altitude, nous n’avons que quatre capteurs placés sur les lacs glaciaires d’Imja et de Tsho Rolpa, dans la région de l’Everest, explique Rajendra Sharma. Des systèmes de drainage évacuent en permanence l’eau afin d’empêcher le niveau de monter et les lacs de céder.»
Nous voulions recentrer cette région au premier plan des effets du réchauffement climatique. Il n’y a pas que les ours polaires!
A tout moment, la chute brutale d’une portion de glacier dans le lac ou la rupture du barrage formé par les sédiments peut provoquer le déferlement de millions de mètres cubes d’eaux grisâtres dans les vallées. Ce sont les redoutables «tsunamis des montagnes», appelés aussi GLOF (Glacial Lake Outburst Floods), dont les dégâts restent encore limités en raison du peu d’habitants présents dans les zones sinistrées. En 1994, la rupture du lac Lugge Tsho avait néanmoins fait plus de 20 morts et les experts recensent déjà 33 GLOF ayant eu lieu au Népal.
Demandant des efforts humains gigantesques, la surveillance des deux lacs glaciaires reste dérisoire à l’échelle du Népal. Ainsi, la quasi-totalité de ces formations est laissée à la seule observation satellitaire. Une salle impressionnante de visionnage se situe dans le Centre international de développement intégré de la montagne (Icimod), en banlieue de Katmandou. «En termes d’adaptation immédiate, le Népal est face à la menace des GLOF, insiste Philippus Wester, l’un des principaux chercheurs du centre. Nous avons répertorié 2071 lacs glaciaires au Népal, 47 sont très dangereux et 12 d’entre eux posent un risque imminent, dans un contexte où la fonte des glaciers va s’accélérer du fait de la hausse des températures, plus élevée en altitude.»
Troisième pôle vulnérable
Ces lacs glaciaires sont-ils des bombes à retardement? «La fréquence des GLOF va certainement augmenter, affirme Finu Shrestha, une experte d’Icimod qui scrute les images du logiciel Google Earth. Si des drainages ne sont pas entrepris, au moins un ou deux lacs devraient céder d’ici à cinq ans, ajoute-t-elle. On a découvert que même les lacs très récents, de petite taille, étaient dangereux.»
Le climatologue Philippus Wester estime néanmoins que le monde prend conscience de la vulnérabilité de cette chaîne de l’Hindou-Kouch-Himalaya (HKH). Avec 54 000 glaciers, ce «troisième pôle» s’étend de l’Afghanistan à la Birmanie et nourrit les bassins fluviaux de l’Indus, du Gange ou du Mékong. En février, le scientifique a dirigé la publication retentissante d’un rapport affirmant qu’au moins un tiers des glaciers aura disparu d’ici à quatre-vingts ans. «Nous voulions recentrer cette région au premier plan des effets du réchauffement climatique, dit l’Américain. Il n’y a pas que les ours polaires!» Et si le réchauffement climatique continue au même rythme, ce sont les deux tiers des glaciers qui n’existeront plus à la fin du siècle.
Au-delà de la surveillance visant à sauver des vies, il faut s’adapter. L’Icimod préconise solidarité et transparence entre les huit pays de l’HKH pour lutter contre inondations, sécheresses et érosion des sols. Mais il faut faire avec les susceptibilités de chacun. Cet hiver, un sommet organisé par le Pakistan a été annulé en raison d’un regain de tensions avec l’Inde.
Au Népal, les experts remettent aussi en question les grands projets menés par le gouvernement: barrages hydrauliques qui augmentent les risques de crues, infrastructures qui ne vont pas faire le poids, ou développement touristique aux méfaits environnementaux. Déjà, des agronomes expérimentent des cultures tolérantes au réchauffement climatique. A la clé se joue l’équilibre de 140 millions d’habitants qui vivent dans ces larges vallées ramifiées aux montagnes et autrefois bénies par des fleuves sacrés.
Publié mardi 15 octobre 2019 à 14:54
19 Octobre 2019
Matthieu Ricard : « L’altruisme n’est pas un luxe, c’est une nécessité »
Il nous parle ce matin de son nouvel ouvrage intitulé « Émerveillement », paru aux éditions de La Martinière, le 10 octobre 2019. Il publie également « Contemplation », un livre de photographies en noir et blanc invitant à la méditation. L’exposition « Émerveillement » a, par ailleurs, été inaugurée le 12 octobre dernier à la Fondation GoodPlanet, située Domaine de Longchamp, à Paris.
« Avec vous, on va parler d’économie autrement », lance Jean-Paul Chapel. « Parce que ces photos, elles nous inspirent. Elles nous inspirent quelque chose sur le monde, et la façon dont il ne tourne peut-être plus très rond maintenant… »
« Vous savez, on est très préoccupé, évidemment, par le défi majeur du XXIe siècle, qui est celui de l’environnement, qui a évidemment un impact économique absolument considérable », affirme Matthieu Ricard. « J’ai entendu parler d’une campagne des Verts en Allemagne, où ils avaient mis dans la ville des photos superbes de nature. Or, la nature sauvage inspire l’émerveillement, l’émerveillement inspire le respect, parce qu’on respecte ce qui nous émerveille, on ne le détruit pas, on ne le dénature pas, et le respect amène le désir de ‘prendre soin de’. Et je me suis dit qu’à ma modeste échelle, par mes images, par la photographie, du fait que j’ai eu l’immense fortune d’être dans des endroits merveilleux depuis l’Himalaya, l’Islande, en passant par la Patagonie et le Yukon, d’être émerveillé moi-même par cette nature sauvage, la part sauvage du monde, je me suis dis qu’en partageant ça, et en ayant un texte fort et engagé sur l’environnement, je pouvais faire une petite contribution. »
« Mais celles et ceux qui nous regardent, qui vont travailler et qui sont stressés, qui s’inquiètent aussi pour leurs enfants, n’ont pas toujours la chance d’être devant ces paysages magnifiques », souligne Jean-Paul Chapel. « Quelle est la solution pour nous, simples mortels ? »
« Quand j’ai commencé en tant que photographe, on me disait » Matthieu, c’est pas la peine de lui demander de faire des photos de famille, il est là pendant une heure à regarder des remous dans un petit ruisseau, dans une flaque d’eau « . Malgré tout, nous avons la possibilité d’aller dans les belles campagnes, les forêts françaises, et il faut savoir que c’est pas juste une sorte de distraction, de détente, l’exposition à la nature, toutes les études scientifiques, sociales l’ont montré, est bonne pour la santé physique et la santé mentale », explique le célèbre moine bouddhiste tibétain. « Et au contraire, quand des enfants ont grandi uniquement dans les villes, on sait qu’ils ont un risque accru de schizophrénie et de dépression. »
« Il y a cette angoisse aussi de l’urgence climatique parce que c’est un risque de fin du monde, comment fait-on pour vivre avec ça ? », interroge Jean-Paul Chapel.
« Alors, ‘fin du monde’, attention parce que ça met de l’eau au moulin des gens qui vous disent ‘Vous êtes des catastrophistes, des apocalyptiques' », répond Matthieu Ricard. « Le danger est réel, s’il y a 10 % de chances qu’il y ait effectivement 4,5 degrés de réchauffement, si vous avez une chance sur dix de mourir à chaque fois que vous prenez l’avion, ben on ne prend pas l’avion, donc le danger est réel. Et 4,5 degrés, ce qui est donc possible, la Terre serait méconnaissable, la population humaine réduite à un milliard, donc des souffrances immenses. Les scientifiques nous disent qu’il y a des solutions, mais ces solutions impliquent des changements majeurs. »
Quelles sont ces solutions ? « C’est par exemple, mettre une grosse taxe sur le carbone. C’est au lieu de donner 400 milliards ou plus par an pour subventionner les énergies fossiles et les banques qui les subventionnent à 75 %, c’est de financer fortement la recherche pour les énergies renouvelables et la mise en place de l’énergie renouvelable. Il y a toutes sortes de mesures possibles ! », insiste l’interprète du Dalaï-Lama en France. « Le GIEC recommande aussi de réduire de 80 % la production industrielle de viande, ça ne va pas faire plaisir à la FNSEA, mais bon, le GIEC, c’est le GIEC, ce sont les 2.000 scientifiques les plus au point au monde, et il ne faut surtout pas les déconsidérer. Donc, écouter les scientifiques, essayer de mettre en oeuvre les solutions, c’est pas forcément populaire, mais il en va de l’avenir des générations futures, et je crois que quand Greta Thunberg dit aux Nations unies, aux dirigeants, ‘C’est une trahison des générations futures’, c’est exact. »
« Dans votre message, il y a généralement, très vite, l’altruisme que vous mettez en avant, qui peut paraître un peu candide parce que dans l’économie quotidienne, il faut défendre son beefsteak ou son tofu », note Jean-Paul Chapel.
« En même temps, l’homo œconomicus qui maximise ses intérêts personnels à outrance, c’est une caricature de l’être humain, nous ne sommes pas comme ça. C’est vrai que les économistes classiques disaient textuellement « il n’y a pas de place pour l’altruisme dans le système économique « . En fait, nous sommes des êtres humains beaucoup plus complexes, nous sommes des pères et des mères de famille, nous sommes des enfants, nous avons une vie, nous souhaitons nous épanouir dans l’existence, il y a autre chose que la maximisation des intérêts immédiats, et il est clair que la coopération est beaucoup plus satisfaisante que la compétition, que le fait de vivre ensemble, la qualité des relations humaines est le facteur numéro 1, selon les différentes études, pour l’appréciation de la qualité de vie. Donc l’altruisme n’est pas un luxe, c’est une nécessité, c’est le seul concept qui permet de mettre à la même table des économistes pour une économie positive, des dirigeants qui veillent au bien-être de la société et les scientifiques qui veillent au bien-être des générations à venir et de la biosphère, quand même, 8 millions d’espèces qui sont nos concitoyens en ce monde, ce n’est pas négligeable ! », insiste Matthieu Ricard.
« Un mot pour conclure : vous avez 74 ans, est-ce que vous avez peur de la mort ? », demande Jean-Paul Chapel.
« Oh, bah je verrai bien, je suis curieux de voir ce qu’il va se passer, mais enfin, disons que je pense qu’une belle mort, c’est le couronnement d’une vie où on se sent fortuné d’avoir eu une vie formidable et d’avoir rencontré des gens merveilleux, mon maître spirituel en particulier », conclut le célèbre moine bouddhiste.
L’interview s’est achevée sur « Les Copains d’abord » de Georges Brassens.
Image : Matthieu Ricard
APACT
Association Humanitaire exclusivement composée de bénévoles qui vient en aide aux réfugiés tibétains qui mènent la vie de l'exil et du dénuement dans les camps installés depuis 60 ans en INDE et au NEPAL.